Mohamed Lakhdar Hamina : L’épopée d’un géant du cinéma algérien

Rédigé le 24/05/2025
Cinéma | سينِما

Mohamed Lakhdar Hamina, disparu à l’âge de 95 ans, restera une figure majeure du septième art, non seulement en Algérie, mais aussi sur la scène internationale. Il a été le seul cinéaste africain et arabe à avoir remporté la Palme d’or à Cannes. Par son œuvre, il a su ériger un pont culturel entre le Sud et l’Occident, donnant une voix au tiers-monde et à son pays, l’Algérie, pendant près de quarante ans



Lakhdar Hamina, né le 26 février 1934 à M’sila dans l’Aurès, fils de modestes paysans. Il a grandi dans un contexte marqué par la colonisation et la lutte pour l’indépendance. Après des études en Algérie puis en France, il rejoint la résistance algérienne à Tunis en 1958, où il apprend le métier de cinéaste sur le tas, avant de se former à la prise de vue à Prague. À l’indépendance, il devient directeur des actualités algériennes, puis de l’Office national pour le commerce et l’industrie cinématographique algérienne, forgeant ainsi les bases d’un cinéma national engagé.

Son premier long-métrage, "Le Vent des Aurès" (1966), inspiré de l'histoire de sa grand-mère, met en scène le combat d'une mère pour retrouver son fils prisonnier des Français. Ce film, qui remporte le Prix de la première œuvre à Cannes en 1967, marque l'entrée du jeune cinéma algérien sur la scène internationale. Il enchaîne ensuite avec "Hassan Terro" (1968), une comédie satirique devenue culte, puis "Décembre" (1973), avant d'atteindre la consécration avec "Chronique des années de braise" (1975).

Cette fresque historique, racontée en six tableaux, retrace la naissance de la nation algérienne de 1939 à 1954, jusqu’à l’embrasement contre la colonisation française. “Chronique des années de braise” décroche la Palme d’or à Cannes, propulsant Lakhdar Hamina au rang de réalisateur d’envergure mondiale. Ce film, salué pour sa puissance épique et lyrique, a mis en lumière les souffrances et les espoirs du peuple algérien durant la période coloniale.



Lakhdar Hamina, homme de convictions, n’a jamais cherché à écrire l’histoire officielle. En 1984, il affirmait : “Je n’ai pas la prétention d’écrire l’histoire du peuple algérien. Je raconte une histoire. Mais chacun de mes films est une page dans le dossier de la société algérienne, arabe, tiers-mondiste et même mondiale”. Il a su faire de chaque œuvre un acte de mémoire, une dénonciation des injustices et un hommage aux anonymes de la lutte.

Après la Palme d'or, il réalise "Vent de sable" (1982), "La Dernière Image" (1986) et, plus tard, "Crépuscule des ombres" (2014). Il poursuit une filmographie exigeante et engagée, malgré les difficultés et l'instabilité politique qui marqueront l'Algérie, notamment durant la décennie noire.

Mohamed Lakhdar Hamina laisse un héritage cinématographique inestimable, salué par la critique et les institutions. Son œuvre, traversée par la mémoire, la résistance et l’humanisme, a contribué à façonner l’identité du cinéma algérien et à porter la voix des peuples du Sud sur la scène mondiale. Il restera comme l’un des derniers grands maîtres du cinéma épique, une figure marquante de l’histoire du cinéma mondial.